Comment pêcher la carpe en canal ?
Comment pêcher la carpe en canal ? Découvrez les conseils de Jérôme, ambassadeur Cap River.
Qu’il soit de dérivation pour court-circuiter certains méandres d’une rivière, de jonction pour joindre deux rivières, de jonction à biefs de partage avec écluses pour relier un bassin à un autre ou encore latéral à une rivière lorsqu’elle est difficilement aménageable pour la navigation, il existe plusieurs milliers de kilomètres de canal en France dont une grande partie est située dans le quart nord-est du pays.
Une grande majorité des canaux sont de petites tailles, au gabarit nommé « Freycinet », qui est une norme européenne régissant la dimension des écluses de certains canaux (39m de long pour 5.20m de large) et qui a été mise en place en 1879 par une loi du programme de l’homme d’état Charles Freycinet.
Il existe également des canaux destinés à l’irrigation qui sont généralement petits, des canaux de grands gabarits qui longent généralement les grands fleuves ainsi que des rivières canalisées, mais c’est plutôt l’approche spécifique des canaux de petits gabarits que je vais tenter d’aborder dans cet article car c’est le long de ces berges que j’ai passé le plus de temps et donc accumulé le plus d’expérience.
D’aspect généralement rectiligne sur de longs kilomètres, avec des biefs généralement entrecoupés par des écluses, aux berges artificielles et souvent monotones, longés par des chemins de halage où l’on croise promeneurs et autres cyclistes, arpentés par de nombreux bateaux de plaisance à la belle saison (ce qui peut compliquer la pêche dans certains cas), voilà qui plante le décor de la pêche en canal.
Anatomie d’un canal.
Les canaux sont avant tout des voies navigables créées entièrement par l’homme, c’est pourquoi ils sont plutôt rectilignes et décomposés en biefs séparés par des écluses afin de maintenir un mouillage constant. Leurs berges sont souvent monotones et conçues pour lutter contre le batillage (érosion des berges liée à la navigation), donc construites soit en béton, soit en palplanches métalliques ou encore avec des armatures en bois.
Berges en palplanches métalliques
Berges en bois
Berges en béton
Cette monotonie peut être cassée par certains ouvrages (tels que des élargissements, des ports, des embarcadères,…) ou par de la végétation (buissons surplombant l’eau, roseaux, végétation aquatique,…), ce qui sera un bon point de départ pour aborder la pêche, on développera cela un peu plus loin.
Concernant les fonds, on peut les comparer à une « baignoire », en tous cas sur les longs biefs linéaires (cela peut varier sur les élargissements et les ports). Sur la bordure, en général, on trouve une marche dont la profondeur moyenne se situe aux alentours de 80 cm et la largeur peut s’étendre jusqu’à un mètre. Le sol de cette marche est plutôt dur (car soumis aux turbulences liées à la navigation une bonne partie de l’année, ce qui empêche l’accumulation de débris végétaux en décomposition) et composé de terre, glaise et autres pierres de différentes tailles. Les pentes, plus ou moins abruptes selon les cas, ont un sol également plutôt dur car soumis comme la marche aux mouvements d’eau. Le fond de la « baignoire » en revanche, avec une profondeur moyenne de deux mètres, est composé essentiellement de vase plus ou moins épaisse, car vous l’aurez compris, c’est ici que s’accumulent végétaux et autres débris en décomposition (voire même des vélos ou des caddies selon les endroits mais ça c’est une autre histoire !).
Ceci nous donne déjà une indication générale de la topographie des fonds d’un canal de petit gabarit. Evidemment, des nuances existent, donc rien ne remplace un repérage et un sondage méticuleux car justement, ce sont ces petites différences qu’il faudra repérer et pêcher en priorité !
Sachez également qu’étant à la base créés pour la navigation, ils sont très régulièrement entretenus par la VNF (Voies Navigables de France), tant au niveau des écluses que des biefs, avec vidange, curage des fonds, consolidation des berges. Ainsi, certains tronçons peuvent être partiellement voire même totalement vidés pour se faire. Ces travaux se font essentiellement en période hivernale car sur la plupart des canaux il est interdit de naviguer de fin Octobre à début Avril. C’est une bonne période pour se promener le long des berges et observer la nature ainsi que la topographie des fonds avant remplissage. Cela nous donne aussi une idée sur la population de carpes présentes, une vidange complète entraînant fatalement un déplacement des poissons et quelques années d’attente avant d’avoir à nouveau des poissons de belles tailles…
La pêche de la carpe en canal : « No Pain no gain »
Pour avoir des résultats en canal, comme partout d’ailleurs, il faut trouver les poissons et cela peut se montrer plus délicat qu’il n’y paraît. Cela va dépendre principalement de la longueur du bief que vous souhaitez pêcher et qui peut aller de quelques centaines de mètres à plusieurs kilomètres… Les chemins de halage n’étant pas autorisés à la circulation motorisée, préparez-vous à marcher sur de longues distances ! Un autre élément qui rend la localisation des poissons difficile concerne la physionomie même du canal. Comme il est peu large (15 à 20 mètres en moyenne) mais souvent très long, il est impossible de pouvoir observer tout le bief efficacement en restant à un point précis (contrairement à de nombreux étangs, gravières voire même lacs).
La mobilité est donc le maître mot ! L’emploi d’un vélo lors des repérages et éventuels amorçages se révèle très utile et vous fera gagner beaucoup de temps ! L’utilisation de brouettes et autres charriots pour déplacer votre matériel également ! Vous l’aurez compris, voyager léger avec un équipement réduit au strict minimum est de mise.
Dernier conseil, n’hésitez pas à passer du temps à repérer, observer, même sans vos cannes, car ce n’est jamais du temps de perdu, bien au contraire ! Chaque bief est différent et les poissons s’y déplacent en fonction de la saison et des opportunités de se nourrir qu’ils trouvent. Pêcher sur les poissons est incontournable si vous voulez avoir des résultats et éviter de passer des heures sur un poste en attendant un hypothétique passage de poissons.
Trouver la différence fait la différence !
Etant né tout près d’un de ces canaux et arpentant ces berges à pêcher depuis une trentaine d’années, mon expérience me permet de vous dire que la majorité des carpes que j’ai eu la chance de capturer l’a été en pêchant sur la marche et dans un nombre plus réduit en bas de la pente à la limite de la zone vaseuse. Il faut donc trouver les zones propices où cette marche sera visitée par les carpes en quête de nourriture.
Comme évoqué plus haut, toute différence de physionomie le long de la berge doit attirer votre attention car cela peut constituer un bon support pour la nourriture naturelle présente dans les canaux (écrevisses, moules, tubifex,…). Une touffe/rangée de roseaux au beau milieu de plusieurs centaines de mètres de berges en béton ou palplanches, des buissons qui surplombent la berge, la présence de plantes aquatiques, de nénuphars, une berge abîmée avec quelques éboulis, l’entrée d’une zone qui s’élargit, les ports, etc… peuvent être des zones qui sont visitées régulièrement par les carpes.
Une fois repérées, sondez méticuleusement ces zones pour valider les profondeurs et la physionomie générale du spot, ceci dans un but de placer votre ligne au plus juste le jour où vous décidez de sortir vos cannes.
« Tes spots tu amorceras »
Une fois vos spots définis, amorcez-les simultanément pendant quelques jours (voire bien plus !) avec vos appâts, ceci dans un but de conditionner les poissons. N’hésitez pas à en mettre un peu partout, à chaque fois que vous avez un bon feeling, même si vous couvrez des spots espacés de plusieurs centaines de mètres.
D’une, les carpes voyagent beaucoup en canal donc vous allez optimiser vos chances de les amadouer avec vos appâts, et sachant qu’elles ne s’arrêtent que sur les spots qu’elles connaissent et où elles trouvent habituellement leur pitance, amorcer différents spots augmente forcément vos chances de trouver les bons !
D’autre part, il est souvent rare d’enchaîner plusieurs départs sur le même spot en peu de temps, le canal étant peu large et peu profond, un combat fait souvent fuir les carpes un peu plus loin. C’est là qu’il sera judicieux de se déplacer et tant qu’à faire, autant que ce soit sur un spot qui est également régulièrement amorcé par vos soins.
Concernant les appâts à utiliser, tant pour l’amorçage préalable que pour la pêche (il serait bête de ne pas pêcher avec les mêmes appâts que l’amorçage… d’où l’intérêt, à mon avis, d’amorcer avec des appâts de qualité…) j’utilise deux options qui pour moi ont fait leurs preuves : des bouillettes, dont le type sera à adapter en fonction des saisons et de vos certitudes…, ainsi que de la noix tigrée. Pour les billes, pensez à utiliser des diamètres de taille moyenne (18/20mm) car les canaux recèlent de nombreux poissons blancs (grosses brèmes, carassins, tanches) et il serait dommage qu’ils mangent tout votre amorçage à la place des carpes. J’adore également utiliser la noix tigrée car comme les carpes ne les digèrent pas complètement, elles vont forcément en relarguer derrière elles où elles ont l’habitude de passer et ces particules et miettes seront à nouveau mangées par d’autres poissons. En bref un amorçage hyper pointu et on ne peut plus précis !
Petit conseil sur l’amorçage, pensez bien que certaines zones sont pentues et que la navigation peut être dense à la belle saison. Les horaires de navigation sont en général de 9h à 19h, il sera interdit de naviguer au-delà de ces heures, ou du moins de passer une écluse. Il faudra donc adapter vos horaires d’amorçage et éventuellement couper vos billes en deux pour qu’elles restent à l’endroit où vous les avez amorcées… car un amorçage disposé sur la marche va se disperser et souvent atterrir dans le lit du canal dès qu’un bateau passe…
Action !
Côté montages, rien de bien spécial. Ne vous cassez pas la tête, prenez le bas de ligne auquel vous accordez votre confiance, ceci dans le but de vous concentrer sur le plus important : l’observation et le repérage des poissons.
De mon côté, et dans une très grande majorité des cas, mon choix se porte sur un bas de ligne que j’utilise partout et dans lequel j’ai une confiance totale. D’une vingtaine de centimètres de long en général, il se compose d’une tresse gainée de résistance 15 à 20lbs avec une partie dénudée juste avant l’hameçon pour assurer un parfait pivotement de ce dernier, associée à un hameçon type « kurve shank » ou « wide gape » en taille 4 ou 6 et monté avec un nœud sans nœud, sans oublier le petit anneau qui coulisse sur la hampe pour créer un effet « blow back rig ».
Concernant la plombée, j’utilise habituellement un plomb inline monté sur un lead core d’une cinquantaine de centimètres, les fonds de marche étant plutôt durs, pas de problèmes d’enfouissement du montage dans la vase et auto-ferrage accentué avec ce type de plombée. Si le sol est plutôt vaseux alors ce sera place au célèbre clip plomb.
L’utilisation de têtes de ligne en nylon peut avoir un intérêt selon les postes, il sera donc important d’analyser les risques que vous encourez au niveau frottements sur les obstacles présents sur votre poste de pêche. J’ai l’habitude d’en mettre systématiquement car qui peut le plus peut le moins ! Pour ma part je m’oriente sur du nylon entre 35 et 50 centièmes selon les cas.
Enfin, n’hésitez pas à utiliser des back leads pour couler vos lignes, côté discrétion cela apporte vraiment un plus, enfin c’est mon avis ! N’oubliez pas de bien ajuster leur placement en fonction de la topographie des fonds, ceci pour éviter de tendre une bannière à 20 cm du fond et donc risquer d’effrayer les poissons à son contact…
Voilà, j’espère que vous avez pris autant de plaisir à lire cet article qu’il m’en a procuré à le rédiger. J’espère également que cela vous donnera envie de passer un peu de temps au bord du canal près de chez vous (si vous avez la chance d’en avoir un à proximité bien sûr !) car il peut receler des trésors insoupçonnés et quelques fois même de très gros poissons !
LAMBERT Jérôme
CAP RIVER